En direct du bout du monde...

Il fait chaud, malgré le petit vent qui souffle souvent par ici. Assise à la proue du bateau, les jambes pendant de part et d'autre de l'étrave, je ponce consciencieusement les boiseries, les préparant pour la lasure. Je ferais bien une petite pause, mais il y a tant à faire...

Le skipper du bateau le plus proche vient nous voir. "Ça vous dirait un petit porto? Il doit m'en rester en fond de cale". Il y a des propositions qu'on ne peut refuser...

Un verre à la main, nous suivons Eric qui nous fait les honneurs de son spacieux 50 pieds. Eric est luxembourgeois et un ancien de la marine marchande (il ne doit pas y en avoir beaucoup au Luxembourg...). Il nous conte les tempêtes de l'Atlantique Nord et les cargos qu'il a vus sombrer dans le Golfe de Gascogne. Mais l'heure tourne et nous avons tant de boulot!

A peine revenus au bateau, nous voyons un gros tonnage venir s'amarrer au quai, arborant le pavillon belge. L'accent du batelier qui en débarque ne nous laisse d'ailleurs aucun doute à ce sujet! S'approchant d'Albert, il engage avec lui la conversation. Et celle-ci porte inévitablement sur le bateau. "Et c'est toi tout seul qui as fait tout ça ? Amaï, fieu!!"

Un coup de corne de brume dans mon dos attire mon attention. Ça par exemple! C'est le Carmaboreli, en mal de navigation, qui vient nous faire un coucou. Je cours prendre leurs amarres. Une nouvelle pause s'impose.

Le Carmaboreli reparti, je remonte une dernière fois sur mon perchoir et reprends mes ponçages. Sûr qu'à cette allure, le travail n'avance guère. Mais ces moments partagés font partie du voyage tel que je l'avais rêvé. Il fait maintenant lourd, mais la brise fraîche et légère qui se lève, annonciatrice d'un grain, agite agréablement mon tshirt. Je me sens bien sous cette latitude. Mais laquelle est-ce au fait? 50°27'26'' de latitude Nord, longitude 4°48'39''E... Flawinne!

C'est juste un samedi de juin au bord de Sambre. Qui a dit qu'il fallait aller au bout du monde pour s'y croire? Après tout, ne sommes nous pas tous le bout du monde de quelqu'un d'autre?

Mais n'empêche! Un jour... j'irai